En tête-à-tête avec Sabine VIC

Elle a l’accent chantant du sud et le sourire dans la voix…Ladies and gentleman, aujourd’hui j’ai le grand plaisir de pouvoir échanger avec Sabine VIC, experte en formulation cosmétique sur-mesure. Son moteur ? Aider ses clients à trouver des solutions ou explorer de nouveaux territoires en formulation. Sabine a eu la gentillesse de bien vouloir m’accorder un entretien que j’ai souhaité vous retranscrire. De Biotherm en passant par Yves Saint Laurent, Elizabeth Arden ou Clarins, c’est désormais en son nom que Sabine propose son expertise. J’ai beaucoup de plaisir aujourd’hui à vous partager son opinion sur deux sujets d’actualité dans le monde des cosmétiques : les silicones et la clean beauty.

Les silicones en cosmétique : "je t'aime, moi non plus"

Stéphanie :

« Sabine, vous avez été une pionnière dans l’utilisation des silicones en cosmétique. J’aimerais beaucoup que nous revenions sur votre opinion actuelle quant à leur utilisation. »

Sabine :

« Personnellement j’adore les silicones, leurs touchers sensuels, leurs performances incroyables, leurs stabilités dans les formules ainsi que leur innocuité ont fait des silicones des ingrédients magiques que nous utilisons dans les cosmétiques depuis 30 ans.
J’ai d’ailleurs démarré ma carrière cosmétique en 1990 en étudiant ces fameuses huiles de silicone, qui nous arrivaient directement de l’industrie électronique. A l’époque, nous ne savions pas trop comment les appréhender en cosmétique.
Je suis donc fière d’avoir co-formulé le premier produit commercialisé contenant les silicones, c’était un lait corporel après-soleil de Biotherm qui était une émulsion hybride Huile + Silicone dans Eau.

Les silicones sont inertes, non-occlusifs, stables et apportent un glissant inégalé grâce à leur structure chimique de chaines Si-O qui roulent les unes sur les autres comme des billes.
On les utilise aussi bien pour la peau que pour les cheveux permettant de démêler et de gainer la chevelure la plus rebelle.

En maquillage, presque tous nos fonds de teint haute tenue et non-transfert sont des émulsions Silicone dans Eau, sans parler des solaires où ils apportent une uniformité du film ainsi que de la water-résistance.

Silicones en cosmétique

Mais alors pourquoi sont-ils si mal-aimés vous demandez-vous ?

Dès 2009, on a commencé à réaliser que les silicones s’accumuleraient dans la nature, notamment le gouvernement Canadien a tiré la sonnette d’alerte sur le D5.
Depuis il y a une grande polémique sur les silicones avec des hauts et des bas, des pours et des contres, mais ce que l’on ne peut pas ignorer c’est que ce sont des molécules que l’homme a inventé et que malheureusement la nature n’arrive pas à bien dégrader…Justement leur grande stabilité qui est une force pour les cosmétiques devient une faiblesse pour l’environnement.
Ils sont certes issus du sable et redeviendront du sable mais en combien d’années ? Pour pouvoir les ressusciter, il nous faudra inventer une enzyme, une siliconase, qui puisse les rendre facilement biodégradables.

En attendant j’ai bien peur que cette relation passionnelle ne perdure… Aujourd’hui, je pense que nous autres, professionnels de la cosmétique, avons la responsabilité de proposer une cosmétique éthique et durable. Par conséquent, je choisis désormais des alternatives pour offrir des formules sensorielles mais également respectueuses de l’environnement. Notre métier évolue en permanence et notre connaissance actuelle nous pousse à modifier certains comportements. Par conséquent, j’ai certes été pionnière dans l’utilisation des silicones, j’ai désormais choisi de ne plus les intégrer dans les formules que je crée. »

Green ou clean beauty ? Plutôt "Conscious Beauty"

Stéphanie :
« Je ressens tout votre engagement dans vos propos. Si maintenant je vous dis Clean beauty ? Que pourriez-vous en dire ? »

Sabine :
« La Clean Beauty est la cosmétique sans ingrédients controversés => No Nasties

Ce mouvement nous vient des US car la réglementation américaine est moins exigeante que la notre en Europe. 
Par conséquent, des influenceuses et des stars américaines comme Gwyneth Paltrow (qui prône une vie plus saine notamment en nutrition (voir son site Goop)) se sont tout naturellement occupées aussi des cosmétiques en dénonçant des ingrédients « Nasties » qu’il faut éviter dans les cosmétiques.

En France cette Clean Beauty a véritablement démarré en 2015 avec la parution d’un article dans Que Choisir qui décrivait la liste des 13 ingrédients à éviter dans les cosmétiques.
Et on sait ce que c’est quand le média s’empare d’un sujet, ça part dans tous les sens ! 
En dépit du fait que ces fameux ingrédients soient bien réglementés avec des doses et des conditions d’utilisation, cela n’empêche pas les consommateurs d’en avoir peur.
Par conséquent, toutes les grandes marques se sont attaquées à « cleaner » leurs produits et nettoyant leurs INCI en substituant des fameux nasties … et des projets de reformulation à la Green & Clean Beauty se sont multipliés dans les labos de formulation.

Mais chaque société y va de sa propre black-list de matières premières interdites et à substituer. Il n’y a évidemment pas de liste commune.
Bien sûr tout le monde respectait déjà la réglementation européenne mais là on va beaucoup plus loin en prenant en compte les arguments médiatiques.

Pour ma part, ni green ni clean, je parle de Conscious Beauty. »

Stéphanie : 
« Qu’entendez-vous précisément par ce concept de « Conscious Beauty » ? »

Sabine : 
« La Conscious Beauty pour moi c’est l’association de la Green, de la Clean Beauty et de la transparence, en expliquant l’utilisation de chaque matière première et son utilité dans la formule.

Je développe en étant consciente du choix des matières premières et du process de fabrication en accord avec des valeurs éthiques et le respect de l’environnement.

Concrètement, voici comment je formule :

  • je vérifie que la MP soit complètement safe à la dose utilisée (et naturel ne veut pas forcément dire safe (qu’on se le dise !))
  • je vais m’assurer de sa stricte nécessité dans la formule
  • je sélectionne de préférence les matières premières qui sont multi-fonctionnelles et qui apportent ainsi plusieurs bénéfices à la fois.
  • j’inclus également la notion de traçabilité de leurs origines et le fait que leur production soit bénéfique aux communautés locales.
  • je privilégie l’utilisation des ingrédients revalorisés issus des déchets des autres industries, par exemple la poudre de cellulose qui est fabriquée à partir des déchets de l’industrie du papier ou encore des actifs à base de fruits et légumes « moches » ou abîmes de l’industrie alimentaire. 

J’obtiens donc des formules minimalistes mais tout aussi efficaces pour lesquelles  je peux facilement expliquer le rôle de chaque ingrédient en toute transparence.

Les bénéfices doivent être autant pour notre peau que pour notre planète.

La communication est, à mon sens, la clé du succès car elle permet d’expliquer donc de rassurer et de fédérer. »

J’espère que cet échange vous aura autant passionné que moi. La conclusion de Sabine aurait pu être la mienne. à mon sens science et marketing doivent travailler main dans la main pour offrir une promesse tenue aux consommateurs.

Je vous invite à retrouver Sabine sur LinkedIn pour suivre son actualité.

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